Sous les bourrelets graisseux, mes abdominaux d’ancien sportif se contractèrent machinalement pour éviter le flux de sang dans mon chakra intime. Une brève image de mon ex-canapé Ikéa surgit dans mon cerveau primate, sous espèce du singe Bonobo. Il me sembla d’avoir vécu la scène : les stagiaires avaient pris la place de Lisa de chaque côté de mes cuisses redevenues fermes et sculptées, comme au temps de mes années foot.
Je quittai des yeux les bouches pulpeuses de ces étudiantes motivées comme rarement le sont les stagiaires de nos jours. Les flammes dans leurs yeux me redonnèrent du baume au cœur. La jeunesse féminine n’était pas encore perdue. Ces deux spécimens me semblaient prêtes à prendre leur destin en main, embrasser la rude carrière du traitement des douleurs humaines avec panache. Wilhelm Reich, dont j’avais lu l’œuvre complète sans en comprendre la moitié pour ma thèse, aurait été fier d’elles.
La brune se cambra voluptueusement au-dessus du comptoir. Sous la blouse étroite, un buste de statue hellène laissait deviner deux pointes quasiment identiques à celles de sa copine, avec une dureté encore plus marquée, proche du marbre. Trop jeunes et sans cernes sous les yeux pour être de jeunes mamans allaitantes, j’eu l’impression que leurs seins au bord du trop-plein réclamaient une succion d’urgence. Nouvelle déglutition de salive. Nouveau spasme dans mon slip, plus violent que le premier. Je lâchai malgré moi un gémissement étouffé. - Houurrg ! - Vous êtes sûr, insista la blonde dont les joues avaient pris des teintes roses en forme de berlingot ? - Oui oui, dis-je en évitant leurs yeux pénétrants, j’ai dû faire un faux mouvement, rien de grave. J’ai l’habitude.
Le vieil apothicaire apparut dans le fond du magasin et interrompit l’interrogatoire. Il sortit d’une espèce de porte pivotante encastrée dans le mur : l’entrée du laboratoire. La grande stagiaire rejoignit sa collègue d’un pas hésitant, se retournant vers moi dans une élégance de mannequin de chez Chanel. Décidé à oublier mes fantasmes pour un temps, je fixai le pharmacien comme un messie. - Haa ! Monsieur Velpo ! Bonjour. - Mais bonjour monsieur Nervi. Alors ? Que se passe-t-il ? En quoi puis-je vous être utile?
J’expliquai toute l’histoire au petit homme. Il ajusta plusieurs fois ses lunettes pour lire sur mes lèvres : « Pardon ? Vous dites ?»
Je recommençai en articulant, mais ma voix restait très basse.
Cachées derrière l’ordinateur, les deux beautés se tenaient silencieuses. Entre mes chuchotements, montait parfois le clapotis de leurs ongles félins sur le clavier.
Mon exposé de l'accident terminé, le pharmacien se pinça le bouc et disparut par la porte magique. - Je reviens tout de suite. Je m’appuyai au comptoir sur un coude, le dos légèrement tourné aux étudiantes. Quelques rires étouffés giclaient de derrière l'écran d’ordinateur. Dans mon pantalon de survêtement la douleur montait à vitesse grand V. Pourquoi diable étais-je monté sur ce maudit trampoline ?
Au bout de cinq minutes qui me parurent une éternité, le pharmacien réapparut. Il tenait dans une main un pot blanc et dans l’autre une espèce de slip encore plus blanc : - Voilà ce qu’il vous faut Monsieur Nervi, cria-t-il du bout du comptoir, deux applications matin et soir pendant une semaine. Je vous suggère fortement de porter ce suspensoir pendant toute la durée du traitement, ceci pour éviter la tension des testicules. J’oubliai ma douleur un instant. - Mais attention ! Si vous constatez le moindre œdème, reprit-il plus fort, ou le moindre hématome, n’hésitez pas à consulter un urologue sans tarder.
À ces mots, les jeunes filles sortirent de leur cachette et avancèrent vers moi d’un pas décidé. Mon cœur de sportif habituellement très lent battait comme un tambour. Le pharmacien leur remit mon précieux achat et s’en alla tout au fond du long comptoir en fer à cheval. - À bientôt Monsieur Nervi, je dois y retourner, l’administratif vous savez, il ne vous laisse jamais tranquille ! - Pas de soucis. Merci docteur et pardon de vous avoir dérangé. - Mais il n’y a pas de mal, vous avez très bien fait. Merci à vous et à bientôt, je vous laisse en bonnes mains. Il ne croyait pas si bien dire. La blonde pliait déjà mon slip médical. Ses mains sûres semblaient avoir fait ce geste durant des années. Elle le glissa précautionneusement dans son étui cartonné. J'aperçus la taille sur le côté de l’emballage : la lettre « M» - Est-ce que la taille vous convient monsieur? dit-elle en passant son long majeur tendu dans une des poches testiculaires. Les coques me paraissaient énormes, moulées pour des étalons en période de rut.