Bonobo et les deux Amazones (extrait 2)

Sous les bourrelets graisseux, mes abdominaux 
d’ancien sportif se contractèrent machinalement
pour éviter le flux de sang dans mon chakra intime.
Une brève image de mon ex-canapé Ikéa surgit dans
mon cerveau primate, sous espèce du singe Bonobo.
Il me sembla d’avoir vécu la scène : les stagiaires
avaient pris la place de Lisa de chaque côté de mes
cuisses redevenues fermes et sculptées, comme au
temps de mes années foot.

Je quittai des yeux les bouches pulpeuses de ces
étudiantes motivées comme rarement le sont les
stagiaires de nos jours. Les flammes dans leurs yeux
me redonnèrent du baume au cœur. La jeunesse
féminine n’était pas encore perdue. Ces deux
spécimens me semblaient prêtes à prendre leur
destin en main, embrasser la rude carrière du
traitement des douleurs humaines avec panache.
Wilhelm Reich, dont j’avais lu l’œuvre complète sans
en comprendre la moitié pour ma thèse, aurait été
fier d’elles.

La brune se cambra voluptueusement au-dessus
du comptoir. Sous la blouse étroite, un buste de
statue hellène laissait deviner deux pointes
quasiment identiques à celles de sa copine, avec une
dureté encore plus marquée, proche du marbre.
Trop jeunes et sans cernes sous les yeux pour être
de jeunes mamans allaitantes, j’eu l’impression que
leurs seins au bord du trop-plein réclamaient une
succion d’urgence.
Nouvelle déglutition de salive.
Nouveau spasme dans mon slip, plus violent que le
premier.
Je lâchai malgré moi un gémissement étouffé.
- Houurrg !
- Vous êtes sûr, insista la blonde dont les joues
avaient pris des teintes roses en forme de berlingot ?
- Oui oui, dis-je en évitant leurs yeux pénétrants,
j’ai dû faire un faux mouvement, rien de grave. J’ai
l’habitude.

Le vieil apothicaire apparut dans le fond du
magasin et interrompit l’interrogatoire. Il sortit
d’une espèce de porte pivotante encastrée dans le
mur : l’entrée du laboratoire. La grande stagiaire
rejoignit sa collègue d’un pas hésitant, se retournant
vers moi dans une élégance de mannequin de chez
Chanel.
Décidé à oublier mes fantasmes pour un temps, je
fixai le pharmacien comme un messie.
- Haa ! Monsieur Velpo ! Bonjour.
- Mais bonjour monsieur Nervi. Alors ? Que se
passe-t-il ? En quoi puis-je vous être utile?

J’expliquai toute l’histoire au petit homme.
Il ajusta plusieurs fois ses lunettes pour lire sur
mes lèvres :
« Pardon ? Vous dites ?»

Je recommençai en articulant, mais ma voix restait
très basse.

Cachées derrière l’ordinateur, les deux beautés se
tenaient silencieuses.
Entre mes chuchotements, montait parfois le
clapotis de leurs ongles félins sur le clavier.

Mon exposé de l'accident terminé, le pharmacien
se pinça le bouc et disparut par la porte magique.
- Je reviens tout de suite.
Je m’appuyai au comptoir sur un coude, le dos
légèrement tourné aux étudiantes. Quelques rires
étouffés giclaient de derrière l'écran d’ordinateur.
Dans mon pantalon de survêtement la douleur
montait à vitesse grand V.
Pourquoi diable étais-je monté sur ce maudit
trampoline ?

Au bout de cinq minutes qui me parurent une
éternité, le pharmacien réapparut. Il tenait dans une
main un pot blanc et dans l’autre une espèce de slip
encore plus blanc :
- Voilà ce qu’il vous faut Monsieur Nervi, cria-t-il
du bout du comptoir, deux applications matin et soir
pendant une semaine. Je vous suggère fortement de
porter ce suspensoir pendant toute la durée du
traitement, ceci pour éviter la tension des testicules.
J’oubliai ma douleur un instant.
- Mais attention ! Si vous constatez le moindre
œdème, reprit-il plus fort, ou le moindre hématome,
n’hésitez pas à consulter un urologue sans tarder.

À ces mots, les jeunes filles sortirent de leur
cachette et avancèrent vers moi d’un pas décidé.
Mon cœur de sportif habituellement très lent
battait comme un tambour. Le pharmacien leur
remit mon précieux achat et s’en alla tout au fond du
long comptoir en fer à cheval.
- À bientôt Monsieur Nervi, je dois y retourner,
l’administratif vous savez, il ne vous laisse jamais
tranquille !
- Pas de soucis. Merci docteur et pardon de vous
avoir dérangé.
- Mais il n’y a pas de mal, vous avez très bien fait.
Merci à vous et à bientôt, je vous laisse en bonnes
mains.
Il ne croyait pas si bien dire. La blonde pliait déjà
mon slip médical. Ses mains sûres semblaient avoir
fait ce geste durant des années. Elle le glissa
précautionneusement dans son étui cartonné.
J'aperçus la taille sur le côté de l’emballage : la lettre
« M»
- Est-ce que la taille vous convient monsieur?
dit-elle en passant son long majeur tendu dans une
des poches testiculaires.
Les coques me paraissaient énormes, moulées
pour des étalons en période de rut.

Publié par Chercheur d'Orgone.

Ecrire, essayer de croire, lutter contre la dépression, et me souvenir que mon existence est aussi fragile qu'un papillon.

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